Portrait du pianiste Maurice Ravel

Cours de piano - Ravel

Mes chers lecteurs, dans cet article, nous allons aborder le portrait d’un des pianistes français les plus joués à travers le globe.
Maurice Ravel est un pianiste novateur, qui a su s’imposer malgré les réticences à son encontre à ses débuts.
Nous allons découvrir ensemble la personnalité de ce compositeur qui n’aura de cesse d’expérimenter les possibilités sonores et expressives du piano ; un impressionniste, avant-gardiste, polyculturel, avec une musique aux milles couleurs, sensations, images, comme un voyage musicale et sonore.

Maurice Ravel est un pianiste qui n’a jamais caché son immense respect et son admiration pour son ainé Claude Debussy, compositeur français tout comme lui.
Les deux compositeurs sont très souvent mis en compétition tant dans leur style que dans leur approche musicale.
Ravel et Debussy sont les figures les plus influentes de la musique française de leur époque et les principaux représentants du courant musical dit “impressionniste” au tout début du XXème siècle.
Je tiens de plus à mentionner que l’œuvre de Maurice Ravel est très modeste en quantité (quatre-vingt-cinq œuvres originales et vingt-cinq œuvres orchestrées) mais elle est influencée par le jazz, la musique latine, ce qui donne à ses ouvrages une richesse musicale incomparable et un savoir faire unique.

Mais commençons par le commencement !

Les débuts du jeune Maurice

Maurice Ravel est un compositeur français né en 1875 dans les basses pyrénées, plus précisément dans la commune de Ciboure non loin de Saint-Jean-De-Luz.

Son père, Joseph Ravel, est un ingénieur renommé qui travailla notamment à la construction de lignes de chemin de fer.
Sa mère, Marie Delouart, est femme au foyer après avoir été modiste (créatrice de chapeau).
Son frère, Edouard, est ingénieur. Ils garderont une complicité et des liens très forts toute leur vie.

En 1875, la famille déménagera définitivement pour Paris, mais Maurice Ravel retournera régulièrement les étés dans sa ville natale et à Saint-Jean-De-Luz pour y passer des vacances.
L’enfance du jeune Maurice est parfaitement heureuse ; ses parents sont aimants, attentionnés, cultivés, familiers des milieux artistiques. Ils vont très tôt familiariser Maurice à la musique.
Maurice commence l’étude du piano à l’âge de six ans avec le compositeur Henry Ghys et reçoit ses premiers cours de composition en harmonie et contrepoint de Charles René.
Le climat artistique et musical prodigieusement fécond à Paris au XIX ème siècle ne pouvait que convenir à l’épanouissement de l’enfant qui cependant, au désespoir de ses parents et de ses professeurs, reconnut bien plus tard avoir joint à ses nombreuses dispositions “la plus extrême paresse”.

Dans son autobiographie, voici ses dires :

Tout enfant, j’étais sensible à la musique, à toute espèce de musique.
Mon père, beaucoup plus instruit dans cet art que ne le sont la plupart des amateurs, sut développer mes gouts et de bonne heure stimuler mon zèle”.

Maurice Ravel au Conservatoire

Maurice Ravel entre au conservatoire de Paris en 1889 ; il est l’élève de Charles de Bériot, et liera des liens d’amitié avec le pianiste Ricardo Vines qui, par la suite, sera l’interprète attitré de ses meilleures œuvres.
Très jeune, Maurice Ravel sera un servant admirateur de Debussy, Mozart, Saint-Saens, Satie, et manifestera précocement une écriture très singulière, intellectuelle, à caractère affirmé.
Ses premiers ouvrages en témoignent ; avant-gardistes, ils sont munis d’une maîtrise telle que son style ne devait guère connaître d’évolution par la suite.

Voici ces premiers travaux :

Ballade de la reine morte d’aimer (1894) mélodie pour voix et piano
Sérénade grotesque (1894) pièce pour piano solo
Menuet antique (1895) pièce pour piano solo

En 1897, Maurice Ravel entre dans la classe de contrepoint d’André Gedalge et Gabriel Fauré deviendra son professeur de composition.
Gabriel Fauré sera bienveillant à l’égard de Maurice Ravel, saluant un « très bon élève, laborieux et ponctuel » avec une « nature musicale très éprise de nouveauté, avec une sincérité désarmante. »

Gabriel Fauré introduira Maurice dans le salon de Madame De Saint-Marceaux, qui apprécie tout particulièrement découvrir de jeunes musiciens prometteurs et chez laquelle il jouera régulièrement ses propres pièces musicales.

Au tout début du XXème siècle, Maurice Ravel est déjà un compositeur reconnu ; pourtant, ses œuvres sont fortement discutées. Son accession à la notoriété ne sera pas une mince affaire, car son style est remis en question ; pour certains, c’est “un style musical incompris”.

Le son du pianiste Ravel

« Je me refuse simplement mais absolument à confondre la conscience de l’artiste, qui est une chose, avec la sincérité qui en est une autre… Cette conscience exige que nous développions en nous un bon ouvrier. Mon objectif est donc la perfection technique. Je puis y tendre sans cesse puisque je suis assuré de ne jamais l’atteindre. L’important est d’en approcher toujours d’avantage. L’art, sans doute, a d’autres effets, mais l’artiste ne doit pas avoir d’autre but. »

Ravel sera sans cesse à la recherche de la perfection.
Pour l’histoire, Stravinsky raillait de sa méticulosité en le qualifiant d’« horloger suisse ».
Ravel, qui ne reniait rien de son amour pour les artifices et les mécanismes mais cherchait toujours « le point à égale distance de la sensibilité et de l’intelligence », répliqua « mais est ce qu’il ne vient jamais à l’esprit de ces gens-là que je peux être artificiel par nature ? »

Ravel est un homme singulier, authentique ; il le transcrit dans son art, et revendique son œuvre comme étant le reflet naturel de sa personne.

« Oui, mon génie, c’est vrai, j’en ai. Mais qu’est ce que c’est? Eh bien si tout le monde savait travailler, tout le monde ferait des œuvres aussi géniales que les miennes ».

La grande période du Pianiste

Le pianiste compositeur Maurice Ravel participe durant cinq années au Prix de Rome sur fond de querelles entre académisme et tendance avant-gardiste.
Il sera éliminé au concours d’essai en 1900.

En 1901, Ravel n’obtient qu’un second prix pour sa cantate « Myrrha » malgré les éloges de Saint-Saens qui sera malheureusement sa seule récompense.
Voici les dires de Saint-Saens : « il est appelé à un sérieux avenir ».
En 1902, Ravel échouera à nouveau avec sa cantate « Alcyone » ; de même en 1903, avec sa cantate « Alyssa ».
En 1904, il renonce à se présenter au prix de Rome.
Il composera Shéhérazade pour chant et orchestre sur des poèmes de son ami Tristan Klingsor.
En 1905, Maurice Ravel sera interdit de concourir en raison de son âge trop élevé.

Voici les dires d’un des membres du jury :

« Monsieur Ravel peut bien nous considérer comme des pompiers, il ne nous prendra pas pour des imbéciles… »

Cela déclenchera un scandale.

A la suite des évènements de 1905, tous les représentants du milieu musical, professeurs, musiciens, compositeurs, journalistes proposent des solutions pour remanier ce système.

Les chefs d’oeuvres du pianiste Ravel

Malgré ses déboires au prix de Rome, Ravel a bien l’intention de montrer sa personnalité et faire valoir ses travaux de composition, notamment ses jeux d’eau qui sont à mes yeux un vrai chef d’œuvre.
Les jeux d’eau, parus en 1901, mettent en évidence le mouvement impressionniste.
Cette pièce inspirée du bruit de l’eau et des sons musicaux fait entendre des jets d’eau, cascades, ruisseaux, un écoulement linéaire qui demande un jeu délicat précis.

Cette pièce a été composée pour son professeur Gabriel Fauré. La partition porte en épigraphe une citation de Henri de Régnier :
« Dieu Fluvial riant de l’eau qui le chatouille ».
Je tiens à mentionner que Fauré tenait en grande estime cet ouvrage, mais Saint-Saens trouvait cette pièce « cacophonique ».
Dès le début, les travaux de Ravel sont comparer à ceux de Claude Debussy ; il sera même dit que Ravel aurait pour habitude d’imiter son confrère.

Malgré les bruits qui courent au sujet de ces deux grands compositeurs impressionnistes, Ravel ne manquera jamais de rappeler comme il estime et apprécie le travail de son « rival » Claude Debussy.

A cette époque, les palettes sonores de Ravel lui sont propres, avec un goût prononcé pour les sonorités hispaniques, exotiques, orientales, fantastiques ; je dirais également féériques.
Ravel jouera des couleurs un peu comme un chimiste et des expériences sonores.
Le pianiste dérange autant qu’il fascine.

Entre 1901 et 1908, Maurice Ravel composera abondamment.
– Quator à cordes en fa majeur (1902)
– Shéhérazade sur des poèmes de Tritan Klingsor (1904)
– Les miroirs et la sonatine pour piano (1905)
– L’introduction et allegro pour harpe (1906)
– Les histoires naturelles d’après Jules Renard (1906)
– La rapsodie espagnole (1908)
– Gaspard de la nuit (1908)

Un pianiste engagé

En plein travail sur son trio en la mineur, Ravel se fera surprendre par la guerre ; son ouvrage en cours de travaux se terminera en 1915.
Dès le début du conflit, le compositeur souhaite s’engager mais il sera exempté en 1915 en raison de son poids plume (48 kilos).
Être dans l’inaction devient comme une torture pour Maurice Ravel. A force de persévérance et de volonté, c’est comme conducteur de camion militaire (qu’il surnommera « Adélaide ») qu’il sera envoyé près de Verdun.

Depuis le front, alors que d’innombrables musiciens tombaient dans le nationalisme, Ravel refuse, au risque de voir sa propre musique bannie de concerts, de prendre part à la ligue nationale pour la défense de la musique française.
Cette organisation créée par Charles Tenroc aura comme soutien notamment Camille Saint Saens et Alfred Cortot. Elle entendait faire de la musique un outil de propagande nationaliste afin de bannir la distribution en France des oeuvres étrangères, ce que Ravel n’approuve pas selon ses dires :

« […] Je ne crois pas que “pour la sauvegarde de notre patrimoine artistique national” il faille “interdire d’exécuter publiquement en France des œuvres allemandes et autrichiennes contemporaines non tombées dans le domaine public”. […] Il serait même dangereux pour les compositeurs français d’ignorer systématiquement les productions de leurs confrères étrangers et de former ainsi une sorte de coterie nationale : notre art musical, si riche à l’heure actuelle, ne tarderait pas à dégénérer, à s’enfermer en des formules poncives. Il m’importe peu que M. Schonberg, par exemple, soit de nationalité autrichienne. Il n’en est pas moins un musicien de haute valeur, dont les recherches pleines d’intérêt ont eu une influence heureuse sur certains compositeurs alliés, et jusque chez nous. Bien plus, je suis ravi que MM.Bartok, Kodaly et leurs disciples soient hongrois et le manifestent dans leurs œuvres avec tant de saveur. En Allemagne, à part M.Richard Strauss, nous ne voyons guère que des compositeurs de second ordre dont il serait facile de trouver l’équivalent sans dépasser nos frontières. Mais il est possible que bientôt de jeunes artistes s’y révèlent, qu’il serait intéressant de connaître ici. D’autre part je ne crois pas qu’il soit nécessaire de faire prédominer en France, et de propager à l’étranger toute musique française, quelle qu’en soit la valeur. Vous voyez, Messieurs, que sur bien des points mon opinion est assez différente de la vôtre pour ne pas me permettre l’honneur de figurer parmi vous. »

Ravel est victime d’une péritonite ; il sera opéré en octobre 1916 avant d’être envoyé en convalescence.
Le décès de la mère de Maurice en 1917 parvient au compositeur alors qu’il est encore sous les drapeaux ; il se plonge alors dans un terrible désespoir, avec celui causé par la guerre.
Bouleversé, il mettra des années à surmonter son chagrin.
La même année, il composera le Tombeau de Couperin, dont chaque pièce sera directement dédiée à l’un de ses camarades mort au front.

La valse

Juste après la guerre, Ravel composera « la valse », poème symphonique dans un premier temps commandé pour le ballet.
Refusée par les ballets russes, l’œuvre sera adaptée pour le théâtre.
Cette œuvre très intense évoquant l’anéantissement de la civilisation européenne connaitra un très grand succès en concert.

La valse de Ravel dépasse de très loin ses ambitions primaires.
Il compose une « espèce d’apothéose de la valse viennoise à laquelle mêle dans son esprit l’impression d’un tourbillon fantastique et fatal ».
L’œuvre évoque le chaos, la décadence, laissant la lumière malgré tout s’épanouir à sa guise, comme si un couple de danseurs manifestait leur envie de continuer à vivre.
Le descriptif en tête de partition est celui-ci :

« Des nuées tourbillonnantes laissant entrevoir par éclaircies des couples de valseur. Elles se dissipent peu à peu : on distingue une immense salle peuplée d’une foule tournoyante. La scène s’éclaire progressivement. »

Composée avec persévérance et acharnement, cette pièce est créée en première audition devant Diaghilev par Maurice Ravel en 1920, dans une version transcrite pour piano.
Diaghilev refuse de représenter la valse avec le ballet russe pour cause :
« Ravel, c’est un chef d’œuvre, mais ce n’est pas un ballet. C’est la peinture d’un ballet ».

Sonate n°2 pour piano et violon

Je souhaiterais évoquer la sonate pour piano et violon, qui est une pièce de musique de chambre qu’il compose en 1920 et qui est à mes yeux un ouvrage d’un raffinement exceptionnel, tant en matière de son que du choix des mélodies.

Naturellement, sa sonate est construite en trois mouvements :

– Le premier Allegretto
– Le deuxième Blues
– Le troisième Perpetuum mobile

Allegretto :

C’est un remarquable travail de mélodiste, où les phrases s’entremêlent et les thèmes principaux sont ornementés merveilleusement bien ; c’est un travail d’artisan, un vrai don de la composition, un dialogue très particulier entre les deux instruments comme une sensation de développement au fil des mesures.
Le premier mouvement allegretto est juste fascinant par sa légèreté et par sa respiration qui, à mes yeux, est indispensable au bon déroulement de l’ouvrage.
Il présente un petit motif très prenant que nous retrouvons plusieurs fois dans le premier mouvement, un motif très dynamique qui se conjugue aussi bien au piano qu’au violon.

Blues :

Dans le second mouvement Blues, nous retrouvons toujours l’originalité et la singularité de Ravel avec sa fameuse note blues, vous me l’accorderez c’est vraiment génial.
Une écriture musicale certainement inspirée de la musique blues américaine.
Les syncopes seront au rendez-vous dans ce second mouvement.
Comme quoi il est parfois plus judicieux de trouver « la » note qu’en jouer une multitude!
Sans parler de cette introduction de noirs en pizzicato par le violon puis repris par le piano afin de mettre le thème en valeur au violon, c’est divin!
De plus, je souhaiterais mettre en évidence le swing tout particulier que Ravel demande pour ce deuxième mouvement, un choix particulièrement audacieux au service des mélodies.

« Ces formes populaires ne sont qu’un matériau de construction, l’œuvre d’art n’apparaissant qu’après maturation de la conception, aucun détail n’étant alors laissé au hasard. De plus, une stylisation minutieuse, née de la manipulation de ces matériaux, est absolument essentielle » rappelle-t’il dans une conférence.

Perpetuum mobile :

Le troisième mouvement de la sonate est réputé pour être très compliqué techniquement pour les violonistes.
Les doubles croches sont très rapides et demandées pianississimo à certaines mesures.
Il y a donc très peu de repos pour l’exécutant qui doit garder une pulsation parfaitement régulière, car le pianiste marque les temps forts.
Ce mouvement demande une précision exacte, des triolets au piano et des doubles croches au violon.
Encore une fois, Ravel nous montre son génie et son savoir-faire.
Mes chers lecteurs, je vous recommande fortement d’écouter cette sonate dans son intégralité.

La consécration du pianiste

L’année 1928 est pour Ravel la consécration. De janvier à avril, il effectuera une tournée de concerts aux États-Unis et au Canada ; cette tournée lui vaudra un immense succès et la reconnaissance incommensurable du public.
Il se produira comme pianiste, accompagnera lui-même ses propres sonates pour piano et violon par exemple.
Il dirigera également son propre orchestre. Quelle ascension considérable et nul ne pourrait le contredire!
Il fréquente les clubs de jazz new-yorkais, et se fascine pour les improvisations de George Gershwin, auteur quelques années plutôt du fameux Rhapsody in blue, et dont il apprécie particulièrement la musique.
Pour l’anecdote, Gershwin demandera à Ravel des leçons de piano et celui-ci lui répondra :

« Vous perdriez la grande spontanéité de votre mélodie pour écrire du mauvais Ravel »

Ravel avait pour habitude de dire aux américains :

« Vous les américains prenez le jazz trop à la légère. Vous semblez y voir une musique de peu de valeur, vulgaire, éphémère. Alors que, à mes yeux, c’est lui qui donnera naissance à la musique nationale des Etats-Unis ».

Le boléro de Ravel

A son retour en France, Ravel travaille comme à son habitude sans jamais soupçonner qu’il s’apprête à composer certainement l’une de ses œuvres les plus célèbres, qui traversera les continents.
La commande de son amie Ida Rubinstein qui souhaite un « ballet de caractère espagnol » le conduira vers un rythme de boléro andalous.
Composée en 1828, cette œuvre singulière tient le pari de durer plus de quinze minutes avec seulement deux thèmes et des variations de frisé à la caisse claire, comme une marche militaire.
La pièce ne manque pas d’originalité tans dans sa mise en scène que dans son choix des voix instrumentales.
Je tiens également à mentionner qu’à la base, cette pièce était simplement une étude d’orchestration ; le succès et l’enthousiasme du public furent un point d’interrogation pour Ravel.
Il dira même un jour, je suis « exaspéré » par la réaction du public car il trouvait sa pièce « vide de musique ».

En Octobre 1928, Ravel recevra le titre de Docteur en musique à l’université d’Oxford.

Les derniers chef d’œuvres de Ravel

De 1929 à 1931, Ravel concevra ses deux plus grands chef d’œuvres : les deux concertos pour piano et orchestre.
Ces deux ouvrages combinent la forme classique et le style plus moderne comme le jazz.

Encore une fois, Maurice Ravel frappe fort en originalité ; l’un de ses concerto est composé uniquement pour la main gauche, c’est une œuvre grandiose baignée d’une sombre lumière en hommage au pianiste Paul Wittgenstein qui n’avait qu’un seul bras.

Ce concerto pour main gauche demandera un travail acharné pour Ravel. Le compositeur n’entendit jamais son œuvre jouée dans sa version pour piano et orchestre.
Cette création pour le moins houleuse mit un terme formel à la collaboration entre les deux hommes en désaccord.
Le pianiste avait en effet pris la liberté d’effectuer quelques «arrangements» dans l’ouvrage, pour que celle-ci soit mieux à sa convenance.

« Je suis un vieux pianiste et cela ne sonne pas! » avait-il déclaré à Ravel pour justifier ses libertés.
Ravel répliqua « je suis un vieil orchestrateur et cela sonne ».
Le compositeur quitta précipitamment Vienne, et s’opposa un moment à la venue de Wittgenstein.

Des mois plus tard, Paul s’exprima à nouveau :

« Cela me prend toujours du temps d’entrer dans une musique difficile. Je suppose que Ravel en fut très déçu et j’en fus navré. Mais on ne m’a jamais appris à faire semblant. Ce n’est que plus tard, après avoir étudié le concerto pendant des mois, que je commençais à en être fasciné et que je réalisais de quelle grande œuvre il s’agissait ».

De l’autre côté, nous avons le divin concerto en sol majeur.

« C’est un divertissement dans lequel deux mouvements vifs encadrent un mouvement lent.
L’écriture harmonique et celle contrapuntique s’équilibrent si bien que l’une ne domine pas l’autre. Vous noterez qu’il est intitulé « divertissement ».
Il ne faut pas faire sur ce concerto des hypothèses prétentieuses qu’il ne saurait satisfaire.
Ce que Mozart a écrit pour le plaisir de l’oreille est parfait, à mon sens, et même Saint-Saens a atteint cet objectif, encore qu’à un niveau bien inférieur…
J’espère jouer mon nouveau concerto moi-même partout. Comme Stravinsky, je me réserve les droits de première diffusion. »

Les dernières années du pianiste compositeur

A partir de 1933, Maurice Ravel est atteint d’une maladie cérébrale ; il perdra petit-à-petit l’usage de la parole.A ceci s’ajoutera des troubles de la motricité.
Paradoxalement, son esprit reste claire comme de l’eau, il continue à penser musique, sans plus pouvoir jouer ou écrire.
De plus, Ravel est insomniaque et grand fumeur.
Il ira se produire une dernière fois au Maroc et Espagne mais il renoncera tant les difficultés à se déplacer et à jouer sont intenses.
Le mal continuera à s’étendre.
Maurice Ravel meurt le 28 décembre 1937 à l’âge de 62 ans.

Tout le milieu musical sera ému de la disparition de cet immense artiste à la forte personnalité.
Le 30 décembre, parmi les hommages et les discours, on en retirera le passage suivant :

« Dans le langage et dans l’univers de la musique, et sans jamais briser ni dépasser cet univers, mais au contraire en usant jusqu’à l’infini et avec une généreuse, une inépuisable malice de toutes les ressources de cet univers, Maurice Ravel s’est efforcé de montrer tout ce que sa merveilleuse intelligence était capable d’accomplir, tout ce qu’elle était capable d’exprimer. Et cela sans négliger les choses obscures, ni les choses douloureuses, ni les choses passionnées. Sans non plus tomber dans la virtuosité pour la virtuosité, la parade pour la parade. Le sortilège ravélien n’est pas une simple prestidigitation ; il n’est pas seulement éblouissant.
Il n’y a nulle sècheresse en lui. Et s’il est sans grandiloquence, cela ne veut pas dire qu’il soit sans grandeur. Sa grandeur vient justement de cette vigilance perpétuelle de l’intelligence, de cette présence constante de l’esprit qui mesure, cherche, indique, décompose, connait et au besoin sourit. »

Afin d’achever cet article, voici une dernière phrase de Ravel :

« Je n’ai jamais éprouvé de besoin de formuler, soit pour autrui soit pour soi-même, les principes de mon esthétique. (…) je demanderai la permission de reprendre à mon compte les simples déclarations que Mozart a fait à ce sujet. Il se bornait à dire que la musique peut tout entreprendre, tout oser et tout peindre, pourvu qu’elle charme et reste enfin et toujours de la musique. ».

Je tiens à mentionner que le compositeur n’a jamais employé de numérotation par opus. Le catalogue complet a été établi par le musicologue français Marcel Marnat, de ce fait, nous désignerons les œuvres de Maurice Ravel selon la numérotation de M.1 à M.85, et pour les arrangements de A1 à A26.

Oeuvres de Maurice Ravel tout au long de sa Vie :

Opéras

• M.52, L’Heure Espagnole opéra sur un livret de Franc-Nohain (1907)
M.71, L’enfant et les sortilèges fantaisie lyrique sur un livret de Colette (1917-1925)

Ballets

M.57, Daphnis et Chloé ballet (1909–12)
M.72, La valse poème chorégraphique pour orchestre (1919–20)
M.81, Boléro ballet (1928)

Œuvres pour orchestre

M.17, Shéhérazade « ouverture de féerie » (1898)
M.54, Rapsodie Espagnole (1907)
Prélude à la nuit
Malagueña
Habanera (orchestration de la Habanera pour deux pianos de 1895)
Feria
M.43a, Une Barque sur l’Océan d’après la pièce no 3 des Miroirs pour piano (1906)
M.43b, Alborada del graciaso d’après la pièce no 4 des Miroirs pour piano (1918)
M.57a, Daphnis et Chloé, suite no 1 (1911)
Nocturne avec chœur a cappella ou orchestration seulement
Interlude
Danse guerrière
M.57b, Daphnis et Chloé, suite no 2 (1912)
Lever du jour
Pantomime
Danse générale
M.68a, Le tombeau de Couperin orchestration de quatre pièces de la suite pour piano (1919)
Prélude
Forlane
Menuet
Rigaudon

Concertos

M.76, Tzigane rhapsodie pour violon et orchestre (1924)
M.82, Concerto pour la main Gauche pour piano et orchestre (1929–30)
M.83, Concerto en sol pour piano et orchestre (1929–31)

Œuvres pour piano

M.5, Sérénade grotesque (1892–93)
M.7, Menuet Antique(1895, orchestré en 1929)
Sites auriculaire pour deux pianos
M.8, Habanera (1895, intégrée dans la Rapsodie Espagnole en 1907)
M.13, Entre Cloches (1897)
M.19, Pavane pour une infante défunte (1899, orchestrée en 1910)
M.30, Jeux d’eau (1901)
M.40, Sonatine(1903–05)
Modéré
Mouvement de menuet
Animé
M.43, Miroirs (1904–05)
Noctuelles
Oiseaux tristes
Une barque sur l’océan (orchestré en 1906)
Alborada del gracioso (orchestré en 1918)
La Vallée des cloches
M.55, Gaspard de la nuit d’après Aloysius Bertrand (1908)
Ondine
Le Gibet
Scarbo
M.57c, Daphnis et Chloé, suite d’après le ballet de 1913
Danse gracieuse de Daphnis
Nocturne
Interlude et Danse guerrière
Scène de Daphnis et Chloé
M.58, Menuet sur le nom de Haydn (1909)
M.63, À la manière de… (1912–13)
1 Bordoline
2 Chabrier
M.60, Ma mère l’oye cinq pièces pour piano à quatre mains d’après les contes de Perrault et de Madame d’Aulnoy (1908–10, orchestré en 1911)
Pavane de la belle au bois dormant
Petit Poucet
Laideronnette, impératrice des pagodes
Les Entretiens de la belle et de la bête
Le Jardin féerique
M.61, Valses nobles et sentimentales(1911, orchestrées en 1912)
M.68, Le tombeau de Couperin suite pour piano (1914–17)
Prélude
Fugue
Forlane
Rigaudon
Menuet
Toccata
M.70, Frontispice pour piano à cinq mains (1918)

Œuvres pour Chant et Piano

M.4, Ballade de la reine morte d’aimer, sur un poème de Roland de Marés (1893)
M.6, Un grand sommeil noir, sur un poème de Paul Verleine (1895)
M.9, Sainte sur un poème de Stéphane Malarmé (1896)
M.15, Chanson de rouet, sur un poème de Leconte de Lisle (1898)
M.16, Si Morne !, sur un poème de Emile Verhaeren(1898)
Deux épigrammes de Clément Marot mélodies pour chant et piano (ou clavecin) sur des poèmes de Clément Marot
M.21, D’Anne qui me jecta de la neige (1899)
M.10, D’Anne jouant l’espinette (1896)
M.39, Manteau de fleurs, sur un poème de Paul Gravollet (1903)
M.47, Noel des jouets sur un poème de Ravel (1905, orchestrée en 1906)
M.48, Les grands Vents venus d’outre-mer, sur un poème d’Henrie de Régnier (1906)
M.50, Histoires Naturelles sur des poèmes de Jules Renard (1906)
Le Paon
Le Grillon
Le Cygne
Le Martin-pêcheur
La Pintade
M.51, Vocalise-étude en forme de habanera (1907)
M.53, Sur l’herbe, sur un poème de Paul Verlaine (1907)
M.75,Ronsard à son Ame sur un poème dePierre De Ronsart (1923–24, orchestré en 1935)
M.79, Rêves, sur un poème de Léon-Paul-Fargue(1927).

Œuvres pour Chant et ensemble instrumental

M.64, Trois poèmes de Mallarmé mélodies pour chant et ensemble instrumental avec piano sur des poèmes de Stéphane Mallarmé (1913)
Soupir
Placet futile
Surgi de la croupe et du bond
M.78, Chansons Madécasses trois mélodies pour soprano, flûte (aussi petite flûte), violoncelle et piano, sur des poèmes d’Evaristo de Parny (1925–26)
Nahandove
Aoua
Il est doux

Œuvres pour Chant et Orchestre

M.41, Shéhérazade sur des poèmes de Tristan Klingsor (1903)
Asie
La Flûte enchantée
L’Indifférent
M.84, Don Quichotte à Dulcinée sur des poèmes dePaul Morand (1932–33)
Chanson romanesque
Chanson épique
Chanson à boire

Œuvres pour Chant a capella

M.69, Trois Chansons sur des poèmes de Ravel (1914–15, arrangé pour chant et piano en 1915)
Nicolette
Trois beaux Oiseaux du paradis
Ronde

Musique de Chambre

M.35, Quator à cordes (1902–03)Allegro moderato, très doux
Assez vif, très rythmé
Très lent
Vif et agité
M.46, Introduction et allegro pour harpe, flûte, clarinette et quatuor à cordes (1905)
M.67, Trio avec piano pour violon, violoncelle et piano (1914)
Modéré
Pantoum. Assez vif
Passacaille. Très large
Final. Animé
M.73, Sonate pour violon et violoncelle en quatre parties (1920–22)
Allegro, composé pour le Tombeau de Claude Debussy (1920)
Très vif
Lent
Vif, avec entrain
M.74, Berceuse sur le nom de Gabriel Fauré pour violon et piano (1922)
M.77, Sonate pour violon et piano (1923–27)
Allegretto
Blues. Moderato
Perpetuum mobile. Allegro

Les arrangement de Maurice Ravel tout au long de sa vie :

Harmonisations

A.6, À vous, oiseaux des plaines pour chant et piano (1904), chant Grec traditionnel traduit par Michel Dimitri Calvocoressi perdu
A.7, Chanson du pâtre épirote, pour chant et piano (1904), chant Grec traditionnel traduit par M. D. Calvocoressi, perdu
A.8, Mon mouchoir, hélas, est perdu, pour chant et piano (1904), chant Grec traditionnel traduit par M. D. Calvocoressi, perdu
Cinq mélodies populaires grecques pour chant et piano (1904–06)
A.9, Chanson de la mariée : Réveille-toi, perdrix mignonne
A.10, Là-bas, vers l’église
A.4, Quel galant m’est comparable
A.5, Chanson des cueilleuses de lentisques : ô joie de mon âme
A.11, Tout gai !
A.12, Chanson écossaise : Vallons, coteaux du fleuve ami, pour chant et piano (1909)
A.17, Chants populaires, pour chant et piano (1910)
Chanson espagnole : Adieu, va mon homme
Chanson française : Jeanneton où irons-nous garder
Chanson italienne : Penchée à ma fenêtre
Chanson hébraïque : Mayerke, mein Sohn
A.22, Deux mélodies Hébraïques pour chant et piano (1914)
Kaddich : Que ta gloire, ô Roi des rois
L’énigme éternelle : Monde, tu nous interroges

Orchestrations

A.15, Antar réorchestration partielle (1909) d’après la symphonie de Nikolai Rimsky-Korsakov
A.18, Prélude pour Le fils des étoiles orchestration (1909) de la pièce pour piano d’Eric Satie perdu
A.19, La Khovanchtchina orchestration en partenariat avec Igor Stravinsky (1913) de l’opéra inachevé de Modeste Moussorgski
• A.20, Les Sylphides orchestration (1914) de pièces pour piano de Frédéric Chopin
A.21,Carnaval (Schumann) Carnaval de Schuman orchestration (1914) d’après la suite pour piano de Robert Schuman
A.23, Menuet pompeux, orchestration (1917-1918) de la pièce no 9 desDix pièces Pittoresques d Emanuel Chabrier
A.24, Tableaux d’une exposition orchestration (1922) d’après la suite pour piano de Moussorgski
A.25, Sarabande, orchestration (1922) de la 2e pièce Pour le piano deClauide Debussy
A.26, Danse, orchestration (1922) de la Tarantelle styrienne de Debussy

Merci de votre lecture

Bien musicalement ATZ Music

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